CE QUI DÉPEND DE MOI 3/4 – Quand le projet Bientraitance se crashe… et que la révolution commence quand même !

Quand on croit qu’un « grand projet » va tout changer

Quand j’ai été nommé référent Bientraitance, j’ai cru, quelque part, que ça allait tout changer.

Je me suis imaginé :

  • Porter une dynamique nouvelle,
  • Ouvrir des espaces de réflexion,
  • Remettre la question du résident au centre,
  • Parler de dignité, de respect, de droits, de libertés.

J’y ai projeté beaucoup de choses.
Peut-être trop.

Sur le papier, ça tenait debout.
Dans la réalité de l’EHPAD, beaucoup moins.

L’échec du grand projet : une vraie leçon d’humilité

Très vite, je me suis heurté au contexte réel :

  • Des équipes épuisées,
  • Des plannings en tension,
  • Des postes vacants,
  • Des priorités qui s’empilent,
  • Le mode « dégradé » qui devient la norme.

Arriver dans ce décor avec un « grand projet Bientraitance », c’était presque décalé.
Pas parce que l’idée était mauvaise, mais parce que le terrain n’était pas disponible.

Les collègues étaient déjà en train de courir.
Ils tenaient comme ils pouvaient.
Ils faisaient déjà ce qu’ils pouvaient, avec ce qu’ils avaient.

Dans ce contexte, parler de Bientraitance au sens large, d’éthique, de posture…
pouvait facilement être vécu comme :

  • Une injonction de plus,
  • Un rappel implicite de tout ce qu’on ne fait pas « assez bien »,
  • Un poids supplémentaire sur des épaules déjà chargées.

Mon projet ne s’est pas effondré d’un coup.
Il s’est plutôt dilué, tranquillement, jusqu’à n’être plus qu’une étiquette sur un organigramme.

Et ça, je l’ai vécu comme une leçon d’humilité.

Je n’allais pas « sauver » l’EHPAD avec un titre de référent.
Je n’allais pas transformer une culture d’établissement avec un document ou deux réunions.

Revenir à quelque chose de plus simple : ce que je fais, moi

À ce moment-là, j’aurais pu me vexer, me braquer, tout laisser tomber.

À la place, quelque chose a bougé.

Plutôt que de me dire :

« Ils ne jouent pas le jeu. »

Je me suis posé une autre question :

« Qu’est-ce que je peux changer, concrètement, là où je suis, sans attendre que tout le monde me suive ? »

C’est là que l’idée de révolution invisible est née.

Pas une révolution avec des affiches, des slogans ou un plan d’action institutionnel.
Une révolution dans ma manière à moi d’exercer mon métier.

La discipline du quotidien : ma révolution invisible

Concrètement, ça n’a rien d’extraordinaire.

Ce sont des choses comme :

  • Prendre trois secondes pour souffler avant d’entrer dans une chambre,
  • Frapper et attendre vraiment la réponse,
  • Regarder la personne avant de regarder la tâche à accomplir,
  • Parler moins vite,
  • Laisser exister les silences,
  • Valider une émotion plutôt que la corriger,
  • Me demander régulièrement : « Là, tout de suite, est-ce que je suis en train d’agir en cohérence avec le soignant que je veux être ? »

Ce ne sont pas des grandes résolutions de début d’année.
Ce sont des micro-habitudes.

Rien de tout ça ne change le nombre de soignants sur le planning.
Rien de tout ça ne règle la dette du groupe, les démissions ou les décisions du siège.

Mais tout ça change la manière dont je traverse ma journée.
La manière dont je rencontre les résidents.
La manière dont je me regarde en fin de poste.

Discipline plutôt que motivation

Pendant longtemps, j’ai fonctionné à la motivation :

  • Lancer un nouveau projet,
  • Avoir une idée,
  • Se dire « cette fois, on va y arriver »,
  • Puis se faire rattraper par la réalité.

La motivation, c’est fragile.
Ça dépend du contexte, de la fatigue, de l’ambiance, des autres.

Aujourd’hui, j’essaie d’autre chose : la discipline.

Des choses que je m’engage à faire :

  • Même les jours où je suis fatigué,
  • Même quand le service est chargé,
  • Même quand personne ne regarde.

Pas dans une logique héroïque.
Juste parce que c’est la seule façon que j’ai trouvée pour rester fidèle à ce que j’ai compris en formation.

L’impact invisible : d’abord sur moi

Je ne sais pas si mes collègues remarquent ces changements en moi.
Parfois, je crois que oui.

Je ne cherche pas à convaincre.
Je ne milite pas.
Je n’évangélise pas.

Je fais juste ce que j’ai à faire, du mieux que je peux.

Et si ça inspire quelqu’un, tant mieux.
Sinon, ce n’est pas grave.

Parce que ce n’est plus mon problème.

Mon problème, c’est :

Est-ce que moi, aujourd’hui, j’ai été le soignant que je veux être ?

C’est là que se situe maintenant ma Bientraitance.
Pas dans les grands projets qui impressionnent sur le papier,
mais dans la cohérence, au quotidien, entre ce que je dis et ce que je fais.

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